vendredi 23 septembre 2016

La plus grande Injustice de Palestine !





Grand-père, voyant que le ton tragique de sa voix affectait mon cœur sensible, arrêta  son récit et changea aussitôt d'attitude. Il vint s'asseoir à côté de moi et me serra avec tendresse dans ses bras. Avec un ton  de douceur qui lui était familier il me dit :
-            Il me semble mon petit sauvage….
Le sauvage c’était moi ! Ce mot de grand-père qui traduisait toute sa tendresse à mon égard, fit chanter le rossignol qui sautillait de branche en branche dans mon jardin intérieur. De mon cœur, perlaient des larmes de joie, comme les gouttes de rosée du matin glissent sur la fleur blanche de l'arum.
-            Il me semble, répéta-t-il, que Judas n'était pas un traître. Je crois même que Judas n’était pas traître du tout, osa-t-il avancer. C'était probablement un héros, dont certains ont voulu amoindrir le rôle. Ils en ont même fait un bouc émissaire pour servir leurs desseins et faire valoir uniquement leur vision. Il n'y a pas qu’une seule histoire, mais différentes histoires. La plupart du temps, dans le présent et encore plus dans le passé, le plus fort impose son idée et se débrouille pour effacer celle du faible.
Il fit une pause et sa pensée sembla s'absenter pour se fixer ailleurs. Mais presque aussitôt, son regard se tourna vers moi et du dos de sa main droite il me caressa la joue. Ensuite il caressa de l'autre mes cheveux brillants et drus.
***

-            Mon petit lapin blanc, l'histoire du Portugal que tu apprends à l'école est en réalité l'histoire des rois d'hier et celle de Salazar aujourd'hui. Mais il  y a toujours une autre façade de l'histoire dont on ne parle pas...
-            Mais papy, Claudina affirme que le père de Tonhito est un traître, comme Judas.
-            Oui, c'est ce que Claudina t'a enseigné à toi et à tes camarades à la catéchèse, me dit-il d'un ton qui se voulait incrédule.
-            C'est pour cela que je voudrais t'en parler, ajouta-t-il  en respirant fort, comme pour m’inciter à éveiller ma réflexion. Il ne faut pas prendre n'importe quelle ferraille pour de l'argent comptant.

        Après une pause il me chercha du regard et poursuivit.

-            Des manuscrits, récemment trouvés, montrent que la charge qui pèse sur Judas est trop invraisemblable. Dans l’Évangile, tout est mêlé à propos de cette nuit de la mort de Jésus. Les choses ne vont pas dans le sens où elles doivent aller. Il y a comme une atmosphère de confusion, d'angoisse et de tendresse qui se mêlent alors que la nuit tombe et que le mystère s'épaissit. Des sentiments d'amitié et de confiance liaient Jésus à l'apôtre Judas. Ce dernier n’était-il pas, le gestionnaire financier du groupe ?
-            Mais Judas concentra aussi sur Jésus toutes les interrogations du présent. Il se demandait, quel chemin donner à l'avenir ?

***

-            Mon petit Wald, les propagandes d'hier, comme celles d'aujourd'hui, font et défont comme elles veulent les personnes et leur honneur.  Judas n’était pas un sot, bien au contraire, puisqu'il était devenu l'ami de confiance de Jésus. Pierre avait certainement bon cœur, mais il était analphabète, comme d'autres apôtres d'ailleurs. Il était caractériel et parfois même peu respectueux des femmes. Marie Madeleine une femme au caractère bien trempé dans les eaux fraîches du Jourdain a dû le moucher quelquefois.
Judas était d'un autre acabit. Cet apôtre avait une instruction bien au-dessus des autres. Il était droit, peut-être parfois un peu trop. C'était un homme exigeant, rigoureux, parfois même dur avec lui-même. Il ne supportait pas les injustices faites aux humbles de la société. Judas voulait que la vie des petits gens de Palestine, d'Israël changeât. Comme toi mon papy?
-            Peut-être bien, je ne sais pas. Mais les romains se comportaient avec atrocité. Les prêtres du temple mangeaient à la table des caciques romains. Ils avaient trop de sang sur les mains et chaque jour, ils en  avaient davantage. De plus, depuis plus de trois ans, Jésus promettait un nouveau royaume qui ne finissait pas d'arriver. Judas, plus que les autres, s'impatientait du mauvais sort des gens.
Grand-père se leva de sa chaise en osier et étira les bras en forme de croix, comme pour se libérer d'une tension qui l'oppressait. Puis se ressaisissant :
-            C'était la préparation des fêtes de printemps. Elles allaient bon train. La foule de tout le pays se dirigeait à gros débit vers Jérusalem. Judas attira l'attention de Jésus sur l'opportunité de se diriger aussi vers la capitale.  « C'est vendredi soir, veille de sabbat, le jour des honneurs et des grâces d'Adonaï », dit Judas à Jésus. « Il faut profiter du rassemblement populaire pour passer aux actes ! C'est le bon moment », conclut Judas en tapotant amicalement Jésus sur les épaules pour l'encourager.
Grand-père pour piquer davantage ma curiosité, me dit tout net:
-            Écoute mon garçon, la vérité sur Judas t'a été cachée.
-            Mais comment? Ce n’est pas possible papy ! Claudina...
-            Tends plutôt l'oreille mon garçon et ne perds pas un mot de la discussion suivante :

***

-            « Ô mon cher Jésus, ami de route depuis un bon bout de temps. Combien de rires et sourires, parfois aussi des douleurs et de tristesses passées ensemble ! Combien de fois n'avons-nous voulu changer le monde! Que de temps passé ensemble à lutter pour changer la vie et les pensées erronées des pauvres gens ! Nous tous croyons en un avenir meilleur pour notre peuple. Notre peuple choisi par notre Adonaï ne jouit pas du statut qui est le sien. Adonaï est avec nous.
-            Crois-tu Judas que je ne sais pas tout cela, dit Jésus pas vraiment surpris de son objection.
-            Mais judas, comme s'il n'avait rien entendu poursuivit :
-            Même avec la sueur de son front, notre peuple, l'élu d’Adonaï, ne gagne plus le pain qui lui a été promis ! Regarde dans quelle pauvreté et mépris nous sommes nous-mêmes. Chaque jour, nos lois, nos coutumes sont bafouées par le romain. Nos grands prêtres qui devraient être de notre côté, mangent à leurs tables. Ils  sont leurs complices. Mon ami, nous n'avons plus d'avenir.
Judas baissa les yeux vers la terre pour calmer cette indignation qui voulait jaillir comme une source d'eau trop longtemps réprimée. Mais après un bref silence, son regard revint et dans un flash de lumière pénétrant dans le puits sans fond des yeux de Jésus et lui demanda.
-            Quand va-t-il arriver enfin ce nouveau royaume de justice que tu nous promets ? Nous en avons assez de l'attendre. Crois-tu que nous...
Jésus, tourna sur lui-même comme le roi lion en cage. Il fit quelques petits pas dans l'espace réduit compris entre trois oliviers et un rocher couvert d'une poussière rougeâtre. Puis revenant vers son ami le regard ailleurs, il lui dit :
-            Mon ami Judas, mon royaume n'est pas … Ayons la sagesse d'attendre. Jérusalem ne se fit pas en un jour... Adonaï...
-            Mais quoi ? Comment ? Tu sembles oublier tes paroles. Où sont tes promesses ? Où sont tes actes ? Où se trouvent les pouvoirs que tu prétendais avoir ?  
Le visage calme de Judas devint rouge comme le feu, l'indignation  brûlait en lui.
-            Jésus, faisant semblant de s'étonner, essaya d'éteindre ce feu du mieux qu'il le pouvait. Levant les bras vers le ciel chargé de nuages, d'un rouge de mauvais présage, il dit avec un calme apparent.
-            Je suis avec vous, mes amis. Je suis avec les pauvres de ce pays qui ont été depuis toujours la raison de mon engagement. Tu oublies que mon père Joseph, qu’Adonaï ait son âme, a dû déjà chercher refuge en Égypte, lors de ma naissance, pour échapper à la répression sanguinaire des romains ! Comment peux-tu  douter de moi ?
Judas toussota quelque peu pour donner de l'air à son indignation, tout en drainant l'espoir naissant des dernières paroles de Jésus. Un  espoir qu'il aurait voulu voir couler comme un filet d'eau irriguant les champs secs  sur les versants des collines surplombant le Jourdain.
-            Eh bien, si tu veux ôter de moi ces doutes qui me cernent de tous côtés, tu dois agir Jésus. Allons demander des réformes, exigeons des changements, encerclons le Palais du Gouverneur, pressons ces étrangers romains. Faisons en sorte que les grands prêtres changent de camp. Mais agissons, agissons nom d'Adonaï ! s'emporta Judas.
-            Mais Judas, sois patient. Le fer, la force, la précipitation n'ont jamais été de bonnes solutions ! Mon plus fidèle ami parmi les miens, reste tranquille, voyons cela à un autre moment. A demain Judas si Adonaï le veut bien !
Judas, perdant le peu de patience qui lui restait, rétorqua :
-            Mais tu nous prends pour des cons ou quoi ! Non Jésus, non, pas à demain. Assez de jolis mots, assez d’images, assez de paraboles, assez de jouer avec nos émotions, assez de nous faire rêver d’une vie nouvelle, assez de nous faire croire que...
-            Mon cher Jésus, cette nouvelle vie, nous l'attendons chaque jour, tellement la présente est devenue invivable. Nous sommes au bout du supportable ! Notre longue patience a trop duré, Jésus !
Judas prit à témoins les autres apôtres, restés discrètement à l'écart sans savoir quel parti prendre. Désespéré, Judas menaça le firmament obscur, le point fermé. Une mauvaise étoile semblait briller au-dessus d'une tragédie.
-            Ce soir est la fin des belles paroles Jésus ! Cette nuit marquera à jamais l'histoire. Elle sera le début de notre victoire ou le début de la fin ! Non, mon ami Jésus tu ne peux plus reculer. Non Jésus fils de Joseph, tu ne peux plus zigzaguer !
Judas faisait encore contre mauvaise fortune bon cœur pour ne pas s'emporter davantage. Il ouvre la marmite qu’est devenue sa cage thoracique. Il en fait échapper la pression dans un halo de respiration. Puis, respirant trois fois calmement, il essaya de cadenasser en lui sa révolte. Il revit dans sa mémoire le film des promesses de Jésus s'adressant à la foule misérable de Galilée. Judas essayait encore de s'enivrer de l'espoir d'une vie sans l'occupant, d'une société nouvelle. Y avait-il un seul juif en Galilée ou ailleurs qui n'ait envie de vivre une vie avec la tête haute ? Puis,  il se tourna vers Jésus en cherchant son regard devenu fugitif.
-            Tu es venu nous chercher dans nos maisons. Nous avons abandonné nos occupations, notre gagne-pain. Nous avons abandonné nos femmes et nos enfants. Jésus, nous avons tout abandonné pour te suivre. Nous avons cru à tes promesses. Jésus, nous avons tous cru en toi et maintenant que la décision finale arrive tu
Jésus se sentant écrasé par un poids dépassant ses forces, dit d'une voix presque inaudible, noyée dans une mare d'angoisse.
-            Je doute de mes forces Judas ! Je crains... Je crains, l'humiliation. Je ne parviens plus à dormir. L'idée de la mort me torture à chaque minute et me paralyse dans mes actes et dans ma pensée. Je ne crois plus, ni en moi, ni en rien. Il vaut mieux que... J'ai peur Judas, tu entends, j'ai peur de moi.
Judas désappointé ne trouva même plus en face de lui un rival, capable de se battre. Il essaya d’éveiller chez Jésus une lumière d'énergie ou un éclair de courage.
-            Mais comment ? Nous ne sommes pas venus te chercher, mais le contraire ! Depuis plus de trois ans tu t'es érigé en messie, en sauveur. Nous, hommes, nous, femmes, sommes devenus tes disciples. Nous avons tous adhéré à ton appel. Certes avec peu d'enthousiasme au début, mais avec une immense croyance par la suite. Ta noble cause est devenue la nôtre.
Prenant Jésus par les épaules pour animer son courage et raviver la force de la lumière qui se dégageait auparavant de cet homme, il lui dit comme dans une prière.
-            Regarde la porte de David, noire de monde dans la lumière de la nuit de Jérusalem. Nous avons un peuple nombreux derrière nous  qui nous suit. Cette foule t'attend Jésus. Sois le guide, le père de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants.
Judas se montrait impatient, mais conciliant.
-            Nous sommes tous là, cachés et apeurés sur ce mont des Oliviers comme des lapins dans leur tanière. Mais Jésus, ne vois-tu pas le peuple nombreux qui afflue vers le palais du Gouverneur. Il espère depuis tant d'années ce glorieux moment. Mais comment pouvons-nous le décevoir, comment pouvons-nous le trahir ?
Judas gesticula, poignarda l'obscurité du mont des  oliviers, voulant faire réagir la passivité effacée des apôtres. Jésus trouva néanmoins une faible étincelle de réaction dans cette atmosphère pesante.
-            Judas, tu te plais à remuer ton couteau dans ma plaie. Cette blessure qui est en moi me tue avant de mourir. Ce qui terrorise mon cœur, mon âme et mon corps ce n'est pas la mort, mais le  « mourir ». Quant à ce chemin parcouru ensemble je voudrais tant y croire encore. Ce peuple, dont tu parles en avocat, je le chéris  autant que toi. Judas, si tu devais affronter cette tragédie qui est en moi...
Judas pensa que c'en est assez de ces paroles. La main fermée et l'index pointant vers Jésus, il lui dit, en colère, espérant une ultime réaction du groupe qui ne venait pas :
-            Non, Jésus fils de Marie qui a dû trimer depuis ses treize ans pour t'élever dignement. Non, Jésus fils de Joseph, cet homme courageux et d'honneur qui fut ton père. Non, trois fois non ! Je ne puis me mettre à ta place, mais je me mets à la mienne. Jésus, je préfère me pendre que de tromper ces hommes, ces femmes en haillons, ces enfants affamés, ce peuple humilié, ces gens méprisés, ces gens écrasés. Non Jésus de Nazareth, tu ne pourras plus tergiverser. Tu  as été notre Guide, notre Maître. Ce soir même je vais  te mettre devant  ces maudits romains. Tu seras bien obligé de prendre une décision. Soit, tu choisis de défendre tes engagements et d’honorer tes promesses en agissant, soit tu ne fais rien et tu mourras lâchement et dans l'indifférence sous le fer de l'occupant.
-            Judas, tu as perdu l'amour qui doit nous guider.
-            Je perdrai l'amour, comme tu dis, mais je ne perdrai pas cet idéal qui m'a mené jusqu'à toi. L'histoire, si elle ne triche pas, tranchera. La postérité pourra dire de moi tout ce qu'elle vaudra, mais j'aurais fait mon devoir.
-            Que veux-tu insinuer mon ami ? As-tu perdu la tête ? demanda Jésus pris de panique. Puis après un court silence et considérant qu'il n'avait pas d'autre chemin, mieux valait se jeter dans l'inconnu et en finir au plus tôt.
-            Fais comme il te semblera le mieux, Judas. Pour moi toute issue est préférable à cette situation !

***

Dans la pénombre d'un coin, un peu à l'écart du groupe des hommes, l'on apercevait deux silhouettes assises sur une pierre en guise de siège, et qui murmuraient à peine. Bien qu'à l’abri, depuis la tombée de la nuit, elles sentaient un petit vent frais qui pénétrait leurs douces chairs. Même si nous n'étions qu'à Pâques, les visages étaient déjà bien dorés par le soleil. Tout laissait présager que l'été prochain serait brûlant. Une petite pluie serait la bienvenue pour calmer la chaleur et adoucir ce  ciel déjà étouffant. Tout d'un coup des voix féminines se firent entendre distinctement :
-            Mais Marie-Madeleine qu'as-tu fais à ton mari ? Il ne semble plus le même depuis quelques jours !
-            Ô mon dieu, il est fatigué, épuisé, des migraines terribles. Il ne dort presque plus. Tous les matins, il se lève avec la tête lourde, comme si on lui avait fait le coup du lapin. Il traverse un mauvais moment et la terre semble lui glisser sous les pieds.
-            Pauvre Jésus ! Lui qui a tellement soigné les autres ! Un homme si bon, si ... Mais qu'il se verse un seau d'eau  froide sur la tête, lui suggéra la femme de Pierre...

***

Un troupeau de lumières dans la nuit grimpait à son petit train vers le jardin du mont des oliviers. Il s'approchait d'une façon inquiétante du sommet de la colline.
-            Marie-Madeleine ma fille, mais que signifie toutes ces lumières et brouhaha qui montent jusqu'à nous ? demanda Marie apeurée et qui craignait le pire pour son fils.
-            Je ne sais pas maman, dit Marie-Madeleine.
L'obscurité ne permettait pas de voir la peur qui ravageait les visages, mais le ton des paroles ne pouvaient plus la cacher.
-            Il faut avertir les hommes, dit Salomé en pleurs. Mais où sont-ils passés ? Interrogea-t-elle, ne comprenant plus rien.
-            Maman regarde ton fils ! cria Marie-Madeleine en pleurs et se tenant la tête entre ses mains.
-            Il marche comme un zombi à la rencontre des soldats romains. Maman que vais-je devenir et que vont devenir mes pauvres enfants ?
Le jardin des oliviers restait dans le silence de la nuit. Mais déjà, dans le bas de la ville, le brouhaha de la foule étouffait les pleurs des femmes qui persistaient à suivre Jésus. »

***

Mon grand-père était un adulte à l'extérieur, mais un enfant à l'intérieur. Il  abordait souvent les problèmes sérieux de la vie sous l'angle de l'humour et du rire. Mais il pouvait aussi être plus astucieux qu'un renard.
Une fois, le prêtre du village lui demanda son âge. Sans le préciser, il le taquina sur le problème du statut ambigu de St Joseph dans l'église Catholique:
-            Vous prétendez que Jésus a été  conçu par le Saint Esprit. Pauvre Joseph ! Mais moi j'ai été  engendré par la force de la chaleur de l'hiver, lui dit-il en esquissant un sourire malin.
Puis, peignant sa chevelure blanche de la main gauche il ajouta en parodiant la chanson de Salvatore Adamo :
-            Ô Mon âge, Monsieur le curé... tombe la neige... tombe la neige... ma jeunesse ne reviendra pas...
Le curé  savait qu'il ne pourrait pas rivaliser avec grand- père, ni au niveau de l'humour, ni même au niveau de la dialectique. Il décida donc de tourner la conversation vers un terrain lui étant favorable, celui du peu de paroles et de la courtoisie.
Le séminaire lui avait enseigné une forme de parler unique et une attitude différente de celles des autres. La soutane n'était-elle pas un uniforme qui, d'une  part le séparait des autres,  et d'autre part venait confirmer son autorité pastorale sur ses administrés paroissiens, alors que le rire et l'humour étaient plutôt des attitudes propres au Malin et à ses associés ?
-            Alors, se dit-il à lui-même, ce David est une brebis spéciale qu'il faut savoir ramener au bercail avec adresse.
-            Mais David, vous faites bien plus jeune que votre âge !
Faisant semblant d'être étonné, grand-père lui répondit en esquissant un sourire :
-            Mais pourquoi me demandez-vous donc ce que vous savez déjà ? 
-            Oui, je le connais et plus que ça ...
Grand-père savait que Monsieur le curé savait plus qu'il ne devrait en savoir sur les villageois, mais il ne laissa rien paraître.
-            Ah bon! Qu'est-ce que vous ne savez pas et que vous voudriez savoir ...
-            Monsieur le curé fit semblant de ne pas entendre la question et lui répondit avec une réponse de façade.
-            Vous manquez à la maison de Dieu. Ne voyez-vous pas les portes ouvertes battant au vent ? Depuis plus d'un mois vous l'abandonnez, mais pourquoi ?
Grand-père faisait plus que se méfier de Monsieur le curé. Il le soupçonnait d'avoir des liens peu catholiques avec le régime. Sa réponse n'était pas une réponse, mais une pirouette pour ne pas ouvrir des hostilités.
-            Mais parce que je m'y ennuie. C'est tellement triste. Regardez dans les églises africaines, on y joue de la guitare, on y danse... Non, j'ai été trop occupé. Mais mon ami Jésus le sais, je l'ai informé, dit grand-père en retroussant les manches de sa chemise en flanelle et montrant ainsi poliment qu'il avait des occupations urgentes.
-            Eh bien Jésus vous attend, dit le curé en s'éloignant.....  

Virgile ROBALLO

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