Ex professeur de lettres et langues, Licencié en Espagnol et portugais

lundi 24 octobre 2016

Mon petit Wald

Virgile ROBALLO

E-mail: soleil.vacances@yahoo.fr

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 Bretagne  et Côte d'Azur



(Ce récit est un extrait de la fiction
 "En Terres d'Espagne et Portugal")
Laissez venir à moi cet enfant
 ***
...  Wald allait déjà dans ses 10 ans. Comme tu le sais déjà lecteur il était un enfant espiègle, malin et taquin. Parfois il avait des airs présomptueux et même une certaine désinvolture colorée d’humour. Il n’était nullement un enfant comme les autres.
  Plus mûr que ne laissait paraître son âge, il parlait et agissait comme un adulte. Son comportement jetait souvent un certain trouble chez les gens qu'il fréquentait et mine de rien préoccupait ses parents.
 Mais qui n’aurait pas aimé être le parent de cet enfant tellement  attachant ? De sa manière d’être se dégageait un cœur pur d’enfant, et de ses lèvres charnues, un sourire de ciel bleu.
 Dans cette manifestation du 15 mars il se sentait à l’aise comme poisson dans l’eau.
L’on aurait dit Gavroche dépassant l’enfance et voulant aller au-delà de l’humain. Il avait dans son cœur, la joie et la passion du vieux militant. Cet enfant semblait ne se sentir jamais si bien que dans la rue ! Il était joyeux parce qu’il se sentait libre.
 Quand son père le traitait de petit sauvage, il riait, mais quand sa mère le traitait de petit sale gosse, il se fâchait quelque peu.
 C’était sa façon à lui de rendre par la tendresse et aussi par la désinvolture, l’attention de tous les instants qu’il recevait de ses parents. Quel que soit son comportement, il voulait en être la fierté  de ses parents.
 C’est que Wald savait qu’il avait toujours été le fruit et le trait d’union de l’amour de ses parents, mais il soupçonnait aussi être la cause de leur destin africain.
 Peut-être pour toutes ces raisons, Wald était particulièrement content d’être dans le cœur de la manifestation. A le voir ainsi, l'on dirait qu'il attendait cet événement depuis longtemps.


 Cette manifestation serait de bon augure pour l'Angola tout entier. Pour ses parents aussi. Ils ne regretteraient pas leur venue en Afrique. Les trois avaient été éloignés par la force de son papy  David. Wald ne s'en souvenait pas, il ne le connaissait que par le courrier qui arrivait de métropole.
 Une lettre  en chaque début de mois. Cela durait depuis presque dix ans. Est-ce qu’un jour, lui Wald, pourrait faire un vrai bisou à son papy. Il ne voulait pas du bisou à la fin de la lettre qui le laissait plein de  saudades  et même un léger point de côté.
Son papy, Viendrait-il un jour de cacimbo, le brouillard angolais, le chercher à la sortie de l’école Sà da Bandeira ?
De plus ce Portugal d'Europe, pays de mauvais souvenir pour ses parents, dont on évitait de parler à la maison était tellement loin. Ce Portugal, situé plus haut que l’Angola sur la mappe monde de son école, ce n’était qu’un petit rectangle vert que la vaste Espagne en jaune semblait vouloir avaler! Comment ce Portugal si petit avait-t-il pu  échapper à la domination espagnole? Vraiment, on ne sait pas par quelle magie  la belle et forte Espagne n’était pas arrivée à baigner ses pieds à l’ouest de la péninsule Ibérique sur les plages dorées de l'océan Atlantique, se demandait Wald étonné.
 A regarder cette mappe monde, la logique ce serait de voir un seul pays en cet espace ibérique. Alors, pourquoi cela n’avait pas été ainsi, se demandait Wald intrigué. Puis il rajouta. Ça doit être l’exception qui confirme la règle, comme disait son maître de C.P.
En trois mois d'école, Wald avait appris à lire, tellement il avait envie de déchiffrer le courrier de son grand-père et savoir par lui-même qui était ce papy et ce qu’il écrivait vraiment.
 Il aurait vraiment aimé pouvoir dire papy, écouter la résonnance de ce mot dans son cœur, sentir sa main se poser sur sa tête, puis sentir la chaleur de cette même main lui caresser le visage.
 Quel ne serait pas le bonheur de Wald si à son tour, il pouvait toucher la barbe blanche et piquante, comme un hérisson, de son papy.
 Auparavant, avant qu'il ne sache lire, il pensait parfois que papa et maman lui cachaient une partie du contenu des lettres.
Certains comportements de ses parents laissaient penser qu'il y avait des secrets, des non-dits en l'air. Mais il ne voulait pas non plus embarrasser ses parents avec ses questions. Il faisait finalement confiance aux décisions, aussi bien de papa que de maman. Il se satisfaisait avec plaisir de toucher des yeux, des mains les lettres que son lointain papy avait touché aussi avec ses yeux et ses mains.
 Il s'imaginait même sentir la chaleur des mains de papy dans ces deux ou trois feuilles d’un méchant papier de couleur jaunâtre presque transparent.
 Wald parfois laissait glisser ses petites mains sur les feuilles de papier, comme aveugle lisant le braille, pour s’imprégner et sentir la proximité de ce  grand-père vivant aux six-cents diables.
 Mais maintenant, Wald savait lire et même griffonner des phrases.  Il remarquait que son Papy avait une façon étrange d’écrire le « W » de son prénom dont les pointes semblaient dessiner deux cœurs.  Pour lui, pas de doute, cela voulait dire que son grand père même là-bas, dans ce très lointain Portugal, l’aimait. Lui aussi, il aimait beaucoup, beaucoup son papy.
Cependant, il avait appris, petit à petit avec les mois et les années, que sa grand-mère ne l'aimait pas. Elle n'écrivait jamais un mot. Ni bon, ni mauvais. Rien ! C'est comme si elle n'existait.
Ses parents, malgré ses questions insistantes à son sujet, n'étaient pas bavards.
 C’est dans ces moments-là  que l'on sentait chez  papa monter une colère refoulée qui lui colorait le visage. Maman très vite coupait court, arguant que c'était des histoires du passé sans importance. Pourquoi s’intéresser à des choses, des personnes laides quand il y a tant de beauté pour découvrir ?
-              Sans chercher querelle, mieux vaut s’éloigner des personnes qui ne valent pas la peine de notre attention Wald ! Dit Virginia avec un léger nœud dans la gorge.

Wald  remarqua que son père ne prononçait jamais le nom de la dite grand-mère. Pour l'évoquer il utilisait un mot qui marquait bien la distance, la fracture.
 Ce mot froid était  « l'autre ». Un mot qui traduisait la distance, la blessure que papa  s'efforçait d'ignorer. Mais Wald  voyait bien dans les yeux humides de maman que la blessure ne cicatrisait pas.
Cela était dur et parfois même Wald faisait des cauchemars. Comment cela était-il possible ? N’étaient-ils tous du même sang ?
Cependant un jour il  découvrit toute la vérité ou presque.
 La dite grand-mère était la cause de leur expulsion vers l’Afrique ?
Ce jour-là, il sentit sa joie habituelle se transformer dans un courroux  qui explosa dans des gros mots à l'égard de la méchante sorcière de sa grand-mère.
-Papa ! « L'autre » la sorcière, si je la rencontre je l’envoi rôtir en enfer !
        Laisse tomber Waldito. Ce n'est pas la peine de se mettre en colère. Elle ne sait ni lire, ni écrire comme tant de gens dans ce pays de Satanlazar. Elle n’a pas non plus appris à aimer. Tu sais mon petit Wald l’amour et le respect de l’autre, l’amour et le respect de la société, l’amour et le respect de tous ceux, proches ou distants, égaux ou différents, qui t’entourent à l’école, au village, à la ville  cela s’apprend à la maison, dans les écoles, les universités. Mais quel est le pourcentage  de parents, de grands- parents qui ont fréquenté l’école, le lycée, l’université dans ce pays de Satanlazar ? Mon Wald je crois qu’une personne sans éducation en général, est plus proche de l’animal sauvage que de l’être humain avec des valeurs humanistes
        Mais  Papa c’est quoi ça, des valeurs humanistes ?
        Surtout pas les valeurs de ta grand-mère, mais celles des gens comme ton papy ! Tu apprendras mieux tout cela quand tu seras plus grand ! Ta grand-mère ne sait pas regarder, comprendre, elle ne sait qu’ haïr !
Wald se jura à lui-même qu’un jour, il dirait à cette vieille garce illettrée ses quatre vérités.
-             Ce que les ignorants peuvent être farcis d’une certaine morale et méchanceté. Dit Wald dans un souffle de dépit.
-             Ces mots ne sont pas de toi mon Wald, lui dit son père plein d’admiration. Mais qui t’a appris cela ?
-             Mais mon papy du Portugal ! Qui voudrais-tu que ça soit ! Rétorqua Wald avec un rire malin. Je l'ai lu dans une lettre de papy. Mais tu ignores encore que maintenant je sais lire ?
-             Mais non ! Tu vois c'est important de lire, de savoir ! Dit Claudio d’une voix chaleureuse et en prenant avec tendresse son fils dans les bras.
-             Papa, j’aimerais tant faire un bisou à mon papy.
-             Et moi rien ?
-             Ô papa, mais moi je t’adore toi et maman ! Ça  ne se voit pas ?
-             Mais si ! Mais si ! C’est important de le montrer, mon Wald !
Même si dans ce pays n’est pas de bonne morale de le montrer !
-            Ah Papa ! Je voulais t’en parler. Nous avons changé de professeur de Religion et Morale. Tu le savais ?
-            Non ! Avec la collecte du coton  dans la plantation de notre ami Armando le soir je suis complétement épuisé. Même pas le courage de parler !
-            Je sais ! Mais j’en ai parlé avec maman !
-            Et alors !
-            Alors quoi ?
-            Le professeur. Qui ‘est-ce !
-            Oh ! Un très vieux monsieur ! Un curé ! Il a déjà commencé à balayer la morale de papy !
-             Ah !  Cà ne vas pas être drôle alors ! Mais fais attention Wald. Ne sois pas trop impulsif !
-            Impulsif moi ?
-            Tu sais dans ton cours de Religion et Morale, comme dit ton papy « é preciso saber separar o joio do trigo », c’est-à-dire, séparer le blé de l’ivraie...
*** 

dimanche 23 octobre 2016

J'ai besoin de croire en toi !

Virgile ROBALLO

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Pourquoi diable être toujours dans la braise !
Pourtant, il était plus que temps que son patron Armando réduise la vitesse. On arriverait bien avant le coucher du soleil. Que diable, toujours dans la braise.
Elle faisait le bilan de ce qu’était sa vie. Jamais une minute à elle. Jamais le temps de s’asseoir. Jamais le temps de parler avec son mari ses petits-enfants ou ses enfants toujours pressés et stressés.
Elle n’était pas vraiment une voiture, une dame respectée de tous. Elle n’était qu’une pauvre jeep mal aimée. Elle n'avait jamais été estimée à sa juste valeur, même si elle avait passé sa vie  à avaler des kilomètres comme une esclave. Elle n'avait jamais connue une de ces routes angolaises, lisses comme des feuilles de papier blanc, comme le prétendait faussement la propagande de Lisbonne.
Elle avait un souvenir de feuilles de papier qui devait dater des années 58 ou 60. Sa mémoire jadis d’éléphant avec les années devenait une mémoire de moineau. Mais que faire. Elle se rappelait en effet qu’en traversant ces maudits Musseques de misère,  des feuilles tombaient du ciel comme des averses. Elles étaient ébouriffées de lettres rouges  et grasses,  de différentes tailles. On les trouvait même sur le bord de la route.
« Halte au colonialisme portugais !  Cinq-cents ans déjà ! Dehors le fascisme de Satanlazar ! Dehors les Tugas !  Debout peuple d’Angola. Luttons unis pour l’indépendance de notre patrie. Liberté ! Unité ! Indépendance ! Rejoignez tous le MPLA »
C’était son patron, Armando, qui lui lisait les papiers. Elle, pauvre bagnole, ne savait pas lire, comme les 90%  des autres voitures angolaises. L’école, ça ne nous concernait pas. C’était seulement une préoccupation des visages de craie. Notre boulot à nous, les bagnoles, était de rouler, travailler comme des esclaves, pour les Tugas. Après une de ces journées de travail endiablé, nous retournions au Musseque dormir dans les taudis de nos baraquements. Nous laissions tomber nos os moulus sur une literie faite de « capim », une sorte de foin dru séché au soleil, avec des ventres ronds remplis de ces sataniques kilomètres. Tandis que les Tugas, sans un simple merci, s’en allaient imbibés d’un orgueil démesuré dans leurs maisons dorées. Quelles maisons ma jolie Oshum !
Mais que voulez-vous ! C’est la volonté de dieu, leur dieu. Nous, les pauvres, on ne sait pas lire. Non, jamais le temps de feuilleter le moindre livre ! Qui savait ce que c'était ? Non, jamais, jamais le temps de regarder les beaux paysages de notre pays, notre Angola. Eh ! Attention à ce nid de poule. Attention à cet autre trou.
Mais bientôt Nova Lisboa. L’air était de plus en plus limpide, presque frais. Une certaine fraîcheur qui pénétrait par les narines. On ouvrait les portes et voilà, elle  pénétrait à l’intérieur de ton corps comme un torrent blanc de lait de coco. Quelle sensation de bien-être,  après cette chaleur Luandaise qui t’écrasait au sol en brûlant ton corps, ton coeur et ton âme. Il lui semblait même que çà cahotait moins en apercevant au loin les maisons blanches de la ville.
 Nova  Lisboa était une charmante cité de province qu’elle portait dans son cœur. Mais vue de Luanda, elle n’était que le cul de Jude. Des ingrats !  Ô mes mollets !  Ô mes cardans ! Ô mes amortisseurs. Se plaignait-elle. Par moments elle avait les rotules à terre ! Je n’en peux plus ! Mais ma belle déesse Oshum, quand va-t-on arriver, viens à mon aide, viens à mon secours. Je me sens si seule que j’ai besoin de croire en toi ! Si au moins mes parents étaient encore là. Malheureusement ils sont partis si tôt et dans des circonstances qu’il vaut mieux oublier. Comme j’aimerais avoir quelque chose à m’accrocher, devenir un enfant et même croire à ce père Noël des blancs !

mardi 18 octobre 2016

La baleine blanche

Virgile ROBALLO

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Dina, la domestique de la maison, était une métisse svelte comme la reine de Saba. Elle était bavarde devant les regards de Monsieur Armando, le patron, mais  elle restait silencieuse comme une carpe devant les reproches de Madame Dulce. Dina, la servante prétendait en aparté que sa maitresse était une hyène capable de réclamer sa part et même de voler un morceau de carcasse d’impala aux gros lions blancs.
-             Ce que les visages de craie peuvent manger et cette baleine blanche encore plus. Elle se gave comme un chancre. La Madame Dulce était grasse comme une baleine et ronde comme un tonneau à l’huile de palme. On se demande comment fait son mari pour lui poser le pantalon dessus, se moquait, en riant en cachette, toute la servitude de la maison.
-             Je mange, parce que j’ai à manger, moi ! Mais qu’est-ce que cela peut faire à cette tribu négrillonne, aux ventres creux. Mon dieu, ils vivent comme des animaux. Je ne peux même pas les voir en peinture. Puis Poursuivant avec emphase et passion.
-              Ce que j'admire et m'attire c'est cet Angola blanc. Il mange et possède sans limites. Puisque tous les blancs chassent, dévorent dans cette jungle, cette réserve africaine, quatorze fois plus étendue que la superficie de notre Portugal.
-             Pourquoi ne devrais-je pas  faire de même ? Ne suis-je pas leur patronne ! Moi, Madame Dulce, Maîtresse de toute cette négritude, par  la volonté de Dieu, je veux ma part, toute ma part ! C’est mon devoir et mon droit ! Que cela se sache, criait-elle rouge comme braise crépitante de bois de châtaignier.
Tout ce que nous possédons nous appartient grâce à notre courage et à notre travail, bande de paresseux. Nos maisons, nos plantations, nous appartiennent et gardez-vous d’y toucher !
Par la volonté de dieu, nous avons apporté la civilisation et la  foi en Notre Seigneur Jésus Christ. C’est pourquoi selon la loi et la justice  divine cette terre africaine sera à nous, pendant des années, des siècles et des siècles, de gré ou de force.
 Ces maudits nègres  peuvent aboyer, tant qu’ils veulent, mais dans leur Musseque. En fin de compte, ces  sales noirauds ne sont qu’une bande de bandits de terroristes indépendantistes. Des lâches ! A la moindre déconvenue, ils s'enfuient dans le cœur de la forêt, la queue entre les jambes de peur de recevoir un coup de pied au cul.
-             Mais Dulce, comment peux-tu parler ainsi de ces gens qui ne t’ont rien fait et qui ne réclament que ce qui leur appartient. N’ont-ils pas été dépossédés  de leurs terres ? Ne sont-ils pas de ce pays autant que toi, voir même plus ? Ne sont-ils pas, tout simplement des personnes, comme toi et moi ?
-             Des sales nègres, voilà ce qu’ils sont !
-             Je ne sais pas qui est sale. En tout cas ils se lavent plus que beaucoup d’autres personnes ! J’ai entendu dire par ta maman que ton défunt père s’était lavé trois fois dans sa vie, à sa naissance, pour son mariage et lors de sa mort.
-             Ne me parle pas de mes parents! des ratés, des incapables. Mais tu as vu les tiens ?
-             Peu importe. Tu n'as  que le teint de la couleur de la peau  dans ta bouche. Une bouche qu’à force de dire des saletés, elle finit par sentir mauvais ! La couleur de la peau ! Tous les jours ! As-tu, au cours de ces dix ans passés dans ce pays, essayé de te mettre à leur place, pour les comprendre, pour les découvrir, les connaître et voir ce qui hante leurs coeurs? Tu devrais ! Il serait temps de les regarder, ne crois-tu pas ! Ne vois-tu pas que tes arguments ne tiennent pas, qu’ils reposent sur des mensonges que tu veux passer par des vérités ? Dulce, ce n’est pas parce que l’on répète des mensonges pendant des siècles que ces mensonges deviennent des vérités !
-             Non, non et non. On ne mélange pas les torchons avec les serviettes. Si tu les aimes tant, tu n’as qu’à aller à habiter avec eux dans le Musseque. Tu y seras bien reçu !
  Madame sortit de la maison en claquant la porte et partit faire un tour à cheval dans la plantation. 
Une heure après, elle rentra plus calme à la maison, mais Madame Dulce campait toujours sur ses positions. Puis la chef de la maison fit observer à son mari, que l’on ne faisait pas d’omelette, sans casser des œufs.
-             Ta femme, Armando, n’a pas fait ce long voyage, depuis son village des Beiras, dans le nord du Portugal,  pour être une pauvre diablesse. Pauvre, elle l’avait été et trop longtemps. Tout cela c’était du passé.
-             Mon joli, mets-toi ça dans ton caillou, plus dur que le granite ta Roustina !
 Maintenant la roue de la vie avait tourné. Le passé n’existait plus, seul le présent l’intéressait. La tension électrique de Madame  était toujours prête à provoquer un court-circuit. Dulce finit par dire à son mari qu’il n’était pas un homme. Tu n’es même pas un maître, capable de se faire obéir.
 Alors, si elle devait porter le pantalon à la maison et se servir du fouet, voire de ses armes de chasse à la « palanca negra », une sorte géante d’antilope noire, pour activer ces fainéants de nègres, qui ne pensent qu’à faire la sieste sous les cocotiers, à faire l'amour toute la nuit dans leurs tanières, au lieu de travailler, elle le ferait. Je les fouetterai, moi Monsieur.
Ces africains ce sont des indigènes, des païens, des sauvages qui ne mangent presque  rien. Si on ne mange pas, comment peut-on travailler. Des radins !
 Ils ne dépensent pas le moindre sou, pour acheter ce n’est-ce qu’un peu de tissu et couvrir décemment leurs vergognes. Tout leur argent s’en va en « cachaça », une sorte de rhum local.
 Alors Armando, comment veux-tu qu’ils aient l’idée de travailler, ne serait-ce qu’un peu, pour gagner leur vie. Ils ne pensent qu’à forniquer toute la nuit et à engrosser leurs grosses bonnes femmes aux seins nus. Mais elle, Madame Dulce, leur apprendrait à coups de fouet ce que c’est le travail et les bonnes manières ! Bandes de sauvages ! Bande de bons à rien !

Le lecteur bien que silencieux tout au long de cette péripétie courante dans les milieux des colons portugais blancs des colonies portugaises en Afrique dans les années 50 ne peut plus rester sans rien dire. Révolté par de tels propos il interroge :
-             Madame, le monde blanc travaille pour son gain et son bien-être. Mais l'homme africain a travaillé forcé et avec violence, pendant des siècles gratuitement,  pour qui ?

Photo d'embrigadement fasciste de la jeunesse à l'époque de la dictature de Salazar 1932-74