Dina, la domestique de la maison, était
une métisse svelte comme la reine de Saba. Elle était bavarde devant les
regards de Monsieur Armando, le patron, mais
elle restait silencieuse comme une carpe devant les reproches de Madame
Dulce. Dina, la servante prétendait en aparté que sa maitresse était une hyène
capable de réclamer sa part et même de voler un morceau de carcasse d’impala
aux gros lions blancs.
-
Ce que les visages de craie peuvent manger
et cette baleine blanche encore plus. Elle se gave comme un chancre. La Madame
Dulce était grasse comme une baleine et ronde comme un tonneau à l’huile de
palme. On se demande comment fait son mari pour lui poser le pantalon dessus,
se moquait, en riant en cachette, toute la servitude de la maison.
-
Je mange, parce que j’ai à manger, moi !
Mais qu’est-ce que cela peut faire à cette tribu négrillonne, aux ventres
creux. Mon dieu, ils vivent comme des animaux. Je ne peux même pas les voir en
peinture. Puis Poursuivant avec emphase et passion.
-
Ce
que j'admire et m'attire c'est cet Angola blanc. Il mange et possède sans
limites. Puisque tous les blancs chassent, dévorent dans cette jungle, cette réserve
africaine, quatorze fois plus étendue que la superficie de notre Portugal.
-
Pourquoi ne devrais-je pas faire de même ? Ne suis-je pas leur patronne !
Moi, Madame Dulce, Maîtresse de toute cette négritude, par la volonté de Dieu, je veux ma part, toute ma
part ! C’est mon devoir et mon droit ! Que cela se sache, criait-elle
rouge comme braise crépitante de bois de châtaignier.
Tout ce que nous possédons nous appartient
grâce à notre courage et à notre travail, bande de paresseux. Nos maisons, nos plantations,
nous appartiennent et gardez-vous d’y toucher !
Par la volonté de dieu, nous avons apporté
la civilisation et la foi en Notre
Seigneur Jésus Christ. C’est pourquoi selon la loi et la justice divine cette terre africaine sera à nous,
pendant des années, des siècles et des siècles, de gré ou de force.
Ces
maudits nègres peuvent aboyer, tant
qu’ils veulent, mais dans leur Musseque. En fin de compte, ces sales noirauds ne sont qu’une bande de
bandits de terroristes indépendantistes. Des lâches ! A la moindre déconvenue,
ils s'enfuient dans le cœur de la forêt, la queue entre les jambes de peur de
recevoir un coup de pied au cul.
-
Mais Dulce, comment peux-tu parler ainsi
de ces gens qui ne t’ont rien fait et qui ne réclament que ce qui leur
appartient. N’ont-ils pas été dépossédés
de leurs terres ? Ne sont-ils pas de ce pays autant que toi, voir même
plus ? Ne sont-ils pas, tout simplement des personnes, comme toi et moi ?
-
Des sales nègres, voilà ce qu’ils sont !
-
Je ne sais pas qui est sale. En tout cas
ils se lavent plus que beaucoup d’autres personnes ! J’ai entendu dire par
ta maman que ton défunt père s’était lavé trois fois dans sa vie, à sa
naissance, pour son mariage et lors de sa mort.
-
Ne me parle pas de mes parents! des ratés,
des incapables. Mais tu as vu les tiens ?
-
Peu importe. Tu n'as que le teint de la couleur de la peau dans ta bouche. Une bouche qu’à force de dire
des saletés, elle finit par sentir mauvais ! La couleur de la peau !
Tous les jours ! As-tu, au cours de ces dix ans passés dans ce pays,
essayé de te mettre à leur place, pour les comprendre, pour les découvrir, les
connaître et voir ce qui hante leurs coeurs? Tu devrais ! Il serait temps
de les regarder, ne crois-tu pas ! Ne vois-tu pas que tes arguments ne
tiennent pas, qu’ils reposent sur des mensonges que tu veux passer par des
vérités ? Dulce, ce n’est pas parce que l’on répète des mensonges pendant
des siècles que ces mensonges deviennent des vérités !
-
Non, non et non. On ne mélange pas les
torchons avec les serviettes. Si tu les aimes tant, tu n’as qu’à aller à
habiter avec eux dans le Musseque. Tu y seras bien reçu !
Madame sortit de la maison en claquant la
porte et partit faire un tour à cheval dans la plantation.
Une heure après, elle rentra plus calme à
la maison, mais Madame Dulce campait toujours sur ses positions. Puis la chef
de la maison fit observer à son mari, que l’on ne faisait pas d’omelette, sans
casser des œufs.
-
Ta femme, Armando, n’a pas fait ce long
voyage, depuis son village des Beiras, dans le nord du Portugal, pour être une pauvre diablesse. Pauvre, elle
l’avait été et trop longtemps. Tout cela c’était du passé.
-
Mon joli, mets-toi ça dans ton caillou,
plus dur que le granite ta Roustina !
Maintenant la roue de la vie avait tourné. Le
passé n’existait plus, seul le présent l’intéressait. La tension électrique de
Madame était toujours prête à provoquer
un court-circuit. Dulce finit par dire à son mari qu’il n’était pas un homme.
Tu n’es même pas un maître, capable de se faire obéir.
Alors,
si elle devait porter le pantalon à la maison et se servir du fouet, voire de
ses armes de chasse à la « palanca negra », une sorte géante
d’antilope noire, pour activer ces fainéants de nègres, qui ne pensent qu’à
faire la sieste sous les cocotiers, à faire l'amour toute la nuit dans leurs
tanières, au lieu de travailler, elle le ferait. Je les fouetterai, moi
Monsieur.
Ces africains ce sont des indigènes, des
païens, des sauvages qui ne mangent presque
rien. Si on ne mange pas, comment peut-on travailler. Des radins !
Ils
ne dépensent pas le moindre sou, pour acheter ce n’est-ce qu’un peu de tissu et
couvrir décemment leurs vergognes. Tout leur argent s’en va en
« cachaça », une sorte de rhum local.
Alors
Armando, comment veux-tu qu’ils aient l’idée de travailler, ne serait-ce qu’un
peu, pour gagner leur vie. Ils ne pensent qu’à forniquer toute la nuit et à
engrosser leurs grosses bonnes femmes aux seins nus. Mais elle, Madame Dulce,
leur apprendrait à coups de fouet ce que c’est le travail et les bonnes
manières ! Bandes de sauvages ! Bande de bons à rien !
Le lecteur bien que silencieux tout au long de cette
péripétie courante dans les milieux des colons portugais blancs des colonies
portugaises en Afrique dans les années 50 ne peut plus rester sans rien dire.
Révolté par de tels propos il interroge :
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