Ex professeur de lettres et langues, Licencié en Espagnol et portugais

jeudi 7 août 2025

 




« Cannes, la Promesse de l'Azur »

Par

Virgile ROBALLO



(Lire présentation de ce roman, ci-dessous, en fin de page)



Dans cet instant suspendu d'un crépuscule d'or sur la baie, où l’horizon s’enrobe d’or liquide, je suis Cannes. Cinq chaises bleues, une table en bois, quatre pastis, un cidre, des olives. La Méditerranée respire au loin. Moi, Cannes, cité née des vents salés et des murmures d’arbousiers, fille du soleil et des flots cléments, gardienne des bleus infinis. Je me tiens, noble et libre, sur cette terrasse du Suquet où le monde paraît se taire pour mieux écouter mes souvenirs.

À ma table s’attablent les âmes du Sud : Daudet à la moustache espiègle, Mistral au verbe rougi de cigales, Pagnol à l’œil frondeur, épris des collines.



Et toi - Virgile le breton, venu d’un autre souffle, tu as troqué la lande pour la lavande, la bruine pour les pinèdes. Tu m’écoutes, penché sur ton verre de cidre, tandis que l’olive roule paresseusement sous ton doigt.

Je suis Cannes, et je chante — non pas le fracas, mais la douceur des choses simples. Je chante mes rues bordées de lauriers roses, mes palmiers dressés en cortège sous les balcons ocre. Je chante l’éclat fugace des robes de cinéma, l’ombre discrète des pêcheurs du vieux port et le rire effacé des enfants dans les calades du Suquet.

Mais je suis plus que mon nom. Je suis la Côte, étendue comme un poème entre les caps. Je suis Antibes, qui s’endort dans la nacre. Je suis Grasse, où les parfums écrivent des vers dans l’air. Je suis Nice, où les façades dansent dans les pastels de l’Italie. Et jusqu’à Èze, suspendue comme une strophe au bord de l’éternité.

Les collines de l’arrière-pays se courbent comme des alexandrins, le chant du vent dans les garrigues répond aux vers de Mistral, et l’éclat des mimosas rivalise avec le soleil de ton cœur, ô voyageur.



Et quand la nuit descend, que les étoiles tremblent comme des points de suspension, je deviens silence. Silence habité par l’écho des voix passées — celles de l’amitié, des amours d’un été, des poètes qui ont fait de moi leur abri.

Alors viens, Virgile, assieds-toi encore. Il reste du pastis à moins que tu ne préfères un verre de cidre ! Les olives attendent. La mer respire. Et mon âme est un vers.



****



Cannes voix douce et fière :

Moi, je suis née des regards tournés vers le bleu. Je suis Soleil et sel. Tout en moi est fait pour séduire les sens — pas les sens froids de la logique, non — les sens effusifs du plaisir. Mon soleil ne chauffe pas, il caresse. Mes plages ne s’étalent pas, elles s’offrent.

Regarde mes façades, Virgile… ocre, sable, ivoire — elles se fendent aux crépuscules, elles soupirent sous les bougainvilliers. Même les bananiers que tu as planté dans ton jardin d'Eden des Aliscamps dansent sous le vent, non pas de Guadeloupe, mais sous les yeux de ta Lusitanienne chaloupe ! Le marché de Forville, ah ! c’est une ode à la vie : le basilic, l’ail, le fenouil qui s’imposent au matin, les tomates cerises qui roulent comme des bijoux rouges… Tout y est couleur, toucher, odeur.

Virgile le Breton yeux embrumés par la lumière :

Ce que tu dis, Cannes, c’est un chant. Puis la regardant dans les yeux d'un grain de malice dans les yeux. Je regarde tes façades et tes rondeurs. Ensuite d'un regard posé et plus sérieux il ajoute. Chez moi, le granit parle avec le silence. Ici, chaque pierre murmure une histoire. Je viens de Bretagne mais aussi d'un autre ailleurs. Je ne suis pas seulement le breton. Mais chère Cannes le temps venu le dira...

Cannes riant doucement :

Parce que la pierre ici est solaire. Au Suquet, les pavés chauffent les pas, et les pas se font danse. Mais viens, écoute le chant plus large… La Provence, ma grande sœur. Elle parle en lavandes et en figues mûres. Elle s’exprime par le tambourin des fêtes, les cigales qui crissent comme des vers d’amour.

Tu connais Valbonne, où le soir vient avec des voix de terrasses ? Et Saint-Paul-de-Vence, où les pierres sont des poèmes ? Tout ici a un grain : les murs, le pain, le vin.

Daudet en sourdine, dans le vent :

La lumière de Provence est un vin blanc sec — elle pique et ensorcelle.

Mistral ton grave, venu de l’olivier :

Et son âme, c’est le vent — le mistral qui purifie les cœurs et rend l’air transparent comme une pensée.

Virgile le breton et... admiratif :

On dirait chère Cannes que c'est tout une beauté qui ne s'explique pas...

Cannes :

Mais moi, je suis le seuil — l’azur commence à mes pieds. La Croisette, ce n’est pas une promenade, c’est une coulée de satin entre palmiers. Et derrière les regards des passants, il y a l’attente d’un miracle. Un reflet dans l’eau. Une rencontre. Une étoile tombée du tapis rouge.

Cannes, c’est le cinéma, oui — mais c’est surtout l’élégance d’un silence entre deux vagues.

À Nice, l’Italie se glisse dans les façades comme une amante. À Antibes, le port s’endort chaque soir en rêvant de Pablo. Et plus haut, les villages suspendus comme des strophes dans l’azur…

Pagnol voix de la colline :

Ici, même les absents vivent encore.



Et nous revoilà à cette table. Les ombres s’allongent comme des vers. Le pastis est tiède, les olives salées. Cannes ne parle plus — elle s’épanche. Elle est un corps, une âme, un souvenir.



* *

*



Cannes se tait, puis s’épanche. Elle baisse légèrement le regard. Son souffle devient un soupir.

Daudet, inquiet :

Qu’y a-t-il, chère amie ? Tu parlais encore à l’instant comme une flamme. Te voilà ombre…

Pagnol, en penchant la tête :

Est-ce le passé qui revient ? Le cinéma de jadis ? Ces amours en papier brillant ?

Mistral, grave :

Serait-ce le mistral de ton âme qui commence à souffler à contre-temps ?

Virgile, le Breton, dont le regard vient du nord, mais dont le cœur bat déjà en provençal :

Dis-nous, Cannes. Qu’est-ce qui vacille dans ta lumière ?Mais mon amie, bien aimée, toute la Bretagne est avec toi et ...

Alors Cannes parle, dans une voix presque liquide :

Mes amis, je vous ai conté mes beautés, mes parfums, mes fastes… Mais vous savez comme moi qu’aucune lumière n’échappe à sa part d’ombre. Ce soir, dans ce vent tiède, j’ai senti une morsure douce… Un spleen, comme dirait Baudelaire, une saudade, comme soufflent les chansons du fado de Lisbonne, une russkaia doucha au son de la balalaïka — cet appel du souvenir, de ce qui fut, de ce qui ne sera plus.

Je pense aux premiers pas sur mes quais déserts, au vieux pêcheur du port qui ne parle plus, au ruban de mer avant les yachts, à l’enfant qui courait sur la Croisette quand elle n’était qu’un chemin de coquillages.

Et je pense aussi à l’éphémère. À toutes ces étoiles descendues, à leurs robes, leurs sourires — et à la brume qui les emporte au petit matin, quand le tapis rouge se roule comme un vieux parchemin. Je pense aussi au murmure des invisibles. Après une pause , Virgile vit une larme chaude descendre le visage doux et triste de Cannes .Puis la voix nouée :

Mes amis, il est une vérité que l’on glisse souvent sous le tapis rouge. Je suis aussi cela : les silences de La Boca, quartier aux murs fatigués, où une communauté, depuis des années, vit dans le regard trop souvent fuyant des autres. On les dit venus d’ailleurs — mais leur racine est ici aussi, bien ancrée.

Et puis il y a ces gens qui cherchent chez moi une vie digne après avoir été victimes dans leur pays de mépris … Et puis il y ces malheureux Ukrainiens… Des visages marqués par la fuite, la guerre, la perte. Leur douleur ne se dit pas toujours dans les mots. Mais parfois, un regard croise le mien, et je sens tout l’exil dans une simple larme. Certains dorment là où l’on célèbre le luxe. Ironie cruelle : ils sont les figurants invisibles d’un décor doré.

Et puis il y a les Russes, nombreux à m’avoir choisie comme refuge. Leur cœur est tiraillé entre l’amour pour leur terre et l’inquiétude pour le chemin qu’elle prend. Certains chuchotent leurs peurs dans les cafés de la Croisette, espérant que l’histoire leur rende un jour la parole libre.

Cannes, entre masque et visage, elle regarde ses amis et elle continue :

Je suis le théâtre du monde. Mais derrière le rideau, il y a des vies qui jouent sans applaudissements. Je suis la lumière — mais je suis aussi ces ombres. Et c’est en les reconnaissant, en les accueillant, que je peux espérer devenir plus qu’un décor : un lieu véritable, un refuge sincère.



Je suis la promesse de l’Azur, oui — mais la promesse est aussi attente. Et l’attente parfois creuse un puits dans le cœur.

Virgile prend la main : Vers le chant profond

Virgile s’approche, son accent comme une voile venue du large :

Cannes, ton spleen est une musique. Et ce soir, nous allons l’écouter, comme on écoute le silence d’un coquillage. Car c’est là que commence le vrai chant. Celui des racines. Celui de l’âme.

Cannes relève le front, et dans son regard tremblent les reflets de mille couchants. Une mer intérieure s’ouvre dans une déferlante de promesse azur. Le discours va devenir confession, mémoire, espérance, rêve et sourire. Sourire à la vie .

* * *

La Terrasse du Suquet semble revivre au crépuscule d’or sur la baie. Que l'on approche cinq chaises bleues. Allez messiers prenons la table en pierre sous les regards de la vigne. Garçon apportez trois pastis et deux cidres pour moi et notre breton. Ajoutez aussi des des olives et quelques rondelles de saucisson provençal. Et après je prendrai bien une salade niçoise ! Et vous messiers ? Mais les amis regardez-moi comment notre Méditerranée respire au loin.

Cannes en souriant, la voix parfumée et en même temps taquine :

Allez messieurs les poètes de Provence, de Bretagne, de France et de Navarre… Cela fait si longtemps que vous contez la Provence sans jamais me visiter vraiment. Ne suis-je pas digne d’un mot dans vos carnets ?

Pagnol levant son verre :

Ma belle ! Tu sens le romarin autant que Marseille ! Ton théâtre est pavé d’étoiles et de cinéma. Si j’avais eu une caméra ici… le Suquet serait devenu ma Comédie !

Daudet lissant sa moustache, rêveur

Ah, Cannes… Tu n’es pas qu’un décor. Tu es cette Arlésienne qu’on cherche toujours et qui apparaît soudain, baignée de lumière. Tes palmiers dansent mieux que mes moulins !

Mistral le regard vers les collines :

Ton nom, Cagno, chante comme un vers en langue d’oc… Tu es fille du vent, du sel et du verbe. Je t’aurais portée dans Mirèio* si je t’avais connue ainsi.

Cannes modeste, presque émue :

On m’oublie parfois, préférant les collines sèches ou les cigales bavardes. Pourtant, j’accueille les voix du monde, je tends mes bras à la mer, et mon cœur bat au rythme des histoires qu’on y filme, qu’on y rêve.

Pagnol :

Alors écrivons-la, ton histoire. Une légende de lumière. Avec toi, Cannes, Provence devient cinéma.

Mistral :

Et ton ciel, comme un alexandrin, se déroule sans fin.

Daudet :

Tu es une lettre d’amour parfumée au mimosa. Je t’imagine contée par un facteur un peu fou, à dos d’âne, descendant la colline vers le port…

Cannes fermant les yeux

Écrivez-moi, messieurs. Que ma mer devienne encre. Que vos plumes voguent en moi.



Virgile le breton, venu d'ailleurs sentit en lui l'ode polyphonique, comme un grand souffle venu des fortes courants du Golfe du Morbihan, des criques de Belle-Île, d'Houat et Hoedic, des Monts d'Arrée, et des cœurs, Virgile dans un élan prête sa voix aux vents du sud, aux vers provençaux, aux mémoires de Cannes :

    * Mireio, C'est un poème épique en 12 chants qui évoque la vie et les traditions provençales au XIX e siècle en contant les amours contrariées de deux jeunes provençaux Mireio (Mireille et Vincèn (Vincent).

* *

*

Virgile le Breton ton grave, iodé comme les vents marins :

Ô Cannes, fille d'Azur et de mémoire ! Moi, l’enfant des landes, j’ai trouvé ici une mer nouvelle. Une mer qui ne cogne pas : elle danse, elle murmure, elle embrasse. Cannes m’a accueilli — non comme un étranger, mais comme une note de plus dans sa chanson.

Ton histoire, Cannes, c’est une mosaïque. Des Grecs, des Ligures, des moines en silence, des pêcheurs rieurs… Tu es née dans le sel, dans la patience des pierres, et tu fleuris chaque matin dans l’éclat d’un citron.



Pagnol rumeur joyeuse, couleur colline :

Ah Cannes ! Elle est un théâtre où le décor est vivant. Les collines l’entourent comme un chœur antique, les marchés chantent comme des dialogues d’antan.

Ici, chaque ruelle connaît une anecdote, chaque fontaine murmure une fable. Et même le cinéma — ce miroir du monde — n’a pu tout à fait voiler les voix des anciens : de la grand-mère qui cuisine l’aïoli aux enfants qui courent sous les figuiers.



Daudet voix douce, plume tremblante :

Elle est cette femme au regard ourlé de soleil et de mémoire. Cannes, la coquette aux pieds nus sur ses plages, celle qui cache sous ses perles l’odeur de l’olive, la tendresse des vieux cafés, la mélancolie des saisons passées.

Je l’ai vue pleurer sans bruit — dans le bleu — quand le monde venait la voir sans la regarder.

Mistral voix puissante, comme le vent qui courbe les oliviers :

Cannes est terre provençale, même si le monde croit qu’elle n’est que faste. Son âme est faite de pierres sèches et de verve chantante. Elle parle l’ancien, elle pleure en rimes, elle rit en soleil.

Ses jardins sont des vers. Ses soirs, des strophes. Et quand le mistral s’invite, il nettoie l’âme des souvenirs gris.

Cannes ! Tu es une mer, une langue, un peuple. Tu es la fille de Provence et amante de l’Azur, tu portes en toi le chant d’un peuple qui danse sous les chênes, qui pleure parfois derrière les façades, qui rêve encore — même quand l’histoire fait vaciller l’espoir.

Nous te chantons tous les quatre ensemble, Cannes, non pour te flatter, mais pour te dévoiler. Tu es beauté, oui — mais aussi vérité. Et c’est dans ce miroir que l’azur se reflète pour de bon.

Et il est temps chère Cannes que tu nous écoutes dans la langue de Provence :



« Canto d'Azur e de Mémòri »

    Cannes, bèla filha dau soleu,

    te sias levada sus l'estrèu.

    Amb lo mar dins l’alen de l’arma,

    e la lutz que dansa sus la calma.

    La Provença canta dins t’es uèlhs,

    esclatas de figas e de cèulhs.

    De la garriga fins a la mar,

    cada pèira pòt contar un esclair.

    Lo mistrau veniá de la montanha,

    portant lo rire e la campanha.

    Daudet, Mistral, Pagnol e mai Virgile,

    son vòces fan vibrar lo filet fragil.

    Sus la Croiseta, los pas flotejan,

    sus l’azur, los sòmis pelegrinejan.

    Cannes, t’es pas sonque brilhar,

    siás racinas, flors e cantar.



« Chant d’Azur et de Mémoire »

    Cannes, belle fille du soleil,

    tu t’es levée sur les flots sans sommeil.

    Avec la mer dans l’haleine de ton âme,

    et la lumière qui danse sur le calme.

    La Provence chante dans tes yeux,

    éclats de figues et de cieux précieux.

    De la garrigue jusqu’à la mer,

    chaque pierre peut conter un éclair.

    Le mistral venait de la montagne,

    portant le rire et la campagne.

    Daudet, Mistral, Pagnol et même Virgile,

    leurs voix font vibrer le fil fragile.

    Sur la Croisette, les pas flottent légers,

    sur l’azur, les rêves vont voyager.

    Cannes, tu n’es pas qu’un éclat brillant,

    tu es racines, fleurs et chant.



* *

*



Un soir de juillet, alors que le ciel étirait ses derniers souffles d’or, une brise douce descendit des collines de l’Estérel, portant avec elle les échos oubliés des troubadours et des pages envolées des carnets de Mistral se fit la Promesse de l'Azur ...

Cannes reposait là, au creux de sa baie, comme une muse assoupie. Ses palmiers s’inclinaient à peine, tels des courtisans discrets, tandis que la Croisette déroulait son ruban de nacre entre les étoiles et le murmure des vagues.

La mer, d’un bleu presque irréel, chuchotait des histoires aux galets — des histoires de cinéastes à l’âme écorchée, de pêcheurs aux yeux d’azur, et de poètes à la voix mouillée de lavande.

Sur les hauteurs, dans l’ombre rassurante du Suquet, l’église Notre-Dame de l’Espérance veillait. Elle gardait la mémoire des jours simples et des nuits ferventes, bénissait les amoureux qui s’embrassaient sous les arcades, et les exilés de l’âme qui cherchaient, là, un sud où renaître.

* * *

Ce soir-là, trois ombres s’étaient penchées sur la ville : Frédéric Mistral, drapé de mistral, Daudet au regard lumineux, et Pagnol, sourire en coin, regardant la mer comme un enfant regardant une toile blanche.

Ils parlaient à Cannes comme on parle à une femme qu’on admire en silence — avec pudeur, tendresse et ce soupçon d’envie de figer l’instant.

« Tu es la Provence qui a mis ses plus belles sandales », murmura Daudet. « Et ton accent est un chant que même le cinéma n’a pas su doubler », ajouta Pagnol. Mistral, lui, n’avait pas besoin de mots : il sortit une fleur d’immortelle de sa poche, la posa sur le muret du vieux fort, et regarda le soleil s’éteindre dans la mer.

Cannes ne répondit pas. Elle sourit seulement, dans la lumière.

Et depuis ce jour — les anciens s’en souviennent — lorsqu’un voyageur passe par le Suquet au crépuscule, il croit entendre des rires lointains, sentir un parfum d’encre mêlé à l’odeur du sel et voir, sur une marche de pierre, une immortelle oubliée.

Virgile un peu en retrait peut-être intimidé par la prestance de Cannes et l'éloquence de ses amis se tourna vers sa muse :



« Colline au souffle d'histoire »



Du haut de son tertre, au regard souverain,

Le Suquet veille encore sur la ville en fête,

Berceau des origines, mémoire discrète,

Où Cannes naquit, conquise par le marin.



Les pierres murmurent mille ans d’un doux refrain,

Château franc, chapelles, peuple en conquête,

Le pêcheur, l’abbé, la noblesse en alerte,

Ont fait du vieux quartier un noble écrin.



Aujourd’hui, ses ruelles chantent l’éternel,

Le marché Forville emplit l’air de ritournelles,

Et l’été danse au pied de Notre-Dame.



Suquet, colline au souffle de l’Histoire,

Tu lies au ciel la ville et sa mémoire,

Flambeau d’un passé vivant que Cannes acclame.



* *

*



Lorsque la nuit tomba sur la baie de Cannes, elle n’était pas noire… mais bleu profond, pareille à une encre marine dans laquelle les étoiles venaient tremper leurs promesses dans un parfum de voix provençales.

Le vent s'était posé, fatigué d’avoir traversé les collines du Luberon et les pinèdes du Var. Il avait laissé derrière lui, sur le Suquet, un tapis de lavande sèche et des souvenirs de lettres jamais envoyées.

Les trois écrivains étaient toujours là, les yeux grands ouverts. Ils n’avaient pas besoin de sommeil, car leurs rêves étaient déjà debout, marchant pieds nus entre les pavés du vieux quartier.

Cannes, elle, restait muette. Mais de cette muette naissait un chant, un vieux chant venu du fond de la Provence : le chant des mots enfouis, des histoires qu’on garde dans le cœur et qu’on n’écrit jamais… sauf quand le mistral souffle juste.

Alors Pagnol, Mistral et Daudet fermèrent les yeux, et chacun murmura à sa façon :

« Je vois des enfants courir après un ballon entre les oliviers. Et un homme, sous un chêne, écrivant l’histoire d’un amour qu’il n’a pas osé vivre » (dit Daudet).
« J’entends les voix de ma mère, de mes amis, celles de Marseille, mêlées aux cloches d’ici. Elles me disent que le Sud, c’est quand on rit même quand on pleure » (dit Pagnol).
« Moi, je sens la terre… Je sens les vignes, la garrigue, le miel chaud. Et dans ce silence-là, Cannes est devenue poème » dit Mistral.

La ville, émue, fit tinter ses lampadaires, comme on secoue un carillon pour ne pas pleurer.

.Et sur la terrasse du Suquet, une étoile tomba lentement dans la mer, dit Virgile . Puis dans un élan de parodier breton lors d'un fest-noz, il poursuivit :



«  Dans le ciel, une étoile »

Dans le matin doré, quand l’onde est paisible,

Le Suquet s’éveille au murmure des ans,

Berceau de la ville, noble et indestructible,

Il garde dans ses pierres les cœurs flamboyants.



Son oppidum antique, sentinelle intrépide,

Dominait les lagons, les coteaux éclatants,

Et les ligures fiers, sur ce tertre limpide,

Ont bâti leur destin entre ciel et courants.



Guillaume le Libérateur, dans l’aube féodale,

Offrit la colline au vaillant Rodoard,

Naquit une cité, d’honneur sans égale,

Le port devint légende, la terre devint fief rare.



Au sommet, la tour veille, parmi les cyprès,

Les cloches d’Espérance chantent dans les vents,

Les ruelles serpentent, pleines de secrets,

La vie y palpite, entre fêtes et vivants.



Et sous l’étoile lente, quand la mer se retire,

Le Suquet chuchote l’épopée des jours clairs,

Son passé glorieux ne cesse de frémir,

Dans chaque pierre usée, un éclat de lumière.



Merci cher Virgile, de me rappeler d'où je viens et qui je suis devenue. Puis après un cours silence le regarde dans les yeux : Ah tu admires tant mon Suquet, mais avec ou sans son étoile !



* *

*



L’aube aux encres d'or surgit sur Cannes comme une caresse. Une aurore miel et pivoine, glissant lentement sur les tuiles rouges, les palmes scintillantes et les balcons encore endormis. La ville se réveille dans un silence que même les mouettes n’osent briser.

Et dans ce silence, les trois écrivains s’étaient tus aussi, assis toujours sur la terrasse du Suquet, comme s’ils attendaient que le jour leur murmure un secret.

Puis une voix douce, profonde, et un peu tremblée, s’éleva de la mer :



« Vous m’avez racontée… avec vos regards, vos racines, vos silences. Mais je ne suis pas que mémoire. Je suis aussi demain »

Les quatre hommes tournèrent la tête. C’était une jeune fille, les cheveux d’éclat et les yeux couleur de lavande mouillée. Elle portait une robe de brise, et dans ses mains, un carnet encore vierge.

Cannes.

Cannes, réincarnée en muse nouvelle, venue offrir sa page blanche à ceux qui l’avaient chantée.

« Le monde change, dit-elle. Mais ici, entre les collines et l’eau salée, je suis toujours l’écho d’un accent, d’un rire, d’un mot d’amour perdu. Écrivez-moi, non pas pour me figer… mais pour me faire respirer encore. »


Alors Pagnol sourit. Il tendit son stylo à la jeune fille, puis se leva.

« À toi d’écrire maintenant », dit-il. Mistral, en silence, lui offrit une branche de genêt. Daudet, un mouchoir brodé d’une initiale oubliée. Virgile l'accompagnant du regard sortit de sa poche une petite enveloppe. Il en sortit un « Gwen ad du  » enveloppé dans un papier blanc brillant on l'on pouvait lire en toutes petites lettres :


«  Bro Gozh Ma Zadoù –



O Breizh, ma Bro, me 'gar ma Bro.
Tra ma vo mor 'vel mur 'n he zro.
Ra vezo digabestr ma Bro!

Breizh, douar ar Sent kozh, douar ar Varzhed,
N'eus bro all a garan kement 'barzh ar bed,
Pep menez, pep traonienn, d'am c'halon zo kaer,
Enne kousk meur a Vreizhad taer!

Ar Vretoned 'zo tud kalet ha kreñv ;
N'eus pobl ken kalonek a zindan an neñv,
Gwerz trist, son dudius a ziwan enno,
O ! pegen kaer ec'h out, ma Bro!

Mar deo bet trec'het Breizh er brezelioù bras,
He yezh a zo bepred ken bev ha biskoazh,
He c'halon birvidik a lamm c'hoazh 'n he c'hreiz,
Dihunet out bremañ, ma Breizh!

Cannes surprise autant qu'étonnée, d'une main sur la poitrine et d'un regard de remerciement venant du cœur lui dit, mais Virgile « Trugarez vras » mais je ne vais pas comprendre !....

Mais qu'à cela ne tienne, ma petite nation de Provence, voici une traduction ! Virgile sortit de sa poche une enveloppe barrée dans le coin supérieur d'une bande noire et d'une autre blanche sur lesquelles était représentée une hermine des mêmes couleurs. Délicatement il déplia une sorte de lettre en papier glacé. Après un court silence il lut d'une voix émouvante :



« Vieux pays de mes pères »



Nous, Bretons de cœur,

nous aimons notre vrai pays !

L’Arvor est renommée à travers le monde.

Sans peur au cœur de la guerre,

nos ancêtres si bons

Versèrent leur sang pour elle.



Ô Bretagne,

mon pays, que j’aime mon pays,

Tant que la mer sera comme un mur autour d’elle,

Sois libre, mon pays !

II

Bretagne,

terre des vieux Saints, terre des Bardes,

Il n’est d’autre pays au monde que j’aime autant.

Chaque montagne, chaque vallée est chère dans mon cœur.

En eux dorment plus d’un Breton héroïque !

III

Les Bretons sont des gens durs et forts,

Aucun peuple sous les cieux n’est aussi ardent.

Complaintes tristes ou chants plaisants s’éclosent en eux.

Ô ! Combien tu es belle, ma patrie !

IV



Si autrefois, Bretagne, tu as fléchi durant les guerres,

Ta langue est restée vivante à jamais,

Ton cœur ardent tressaille encore pour elle.

Tu es réveillée maintenant, ma Bretagne !



Sois libre, mon pays !

  • Oh Virgile ! Qu'elle est belle ta Bretagne lui dit Cannes d'une voix plus qu'amicale

    Virgile lui répond d'un regard provençal et d'un geste de marin breton prêt à larguer les les amarres :

  • Alors hissons les voiles et partons faire une virée en Bretagne !

  • Un jour ! Un jour Virgile...



* * *

Après ce moment d'émotion, tous quatre s’éloignèrent, en chantant, dans les ruelles que le soleil habillait d’ambre.

Cannes resta seule, mais pas abandonnée. Elle tenait dans les mains les dons du passé, et dans le cœur, un feu neuf.

Et le voyageur qui passera, un jour d’été, sur le vieux muret du Suquet, y trouvera peut-être… Une plume. Un nom. Et un soupir d’éternité.

Ce matin-là, Cannes ne se leva pas tout à fait comme les autres. Quelque chose dans l’air sentait moins la figue éclatée et plus l’encre. Une brise plus grave soufflait sur la Croisette, comme si la mer méditait. D'une voix douce faite de miel de fleurs de Provence Cannes sur la pointe des pieds et les bras nus s'en allant vers la mer déclama :



« La mer en robe de lumière »

Dans l'onde azur où l’étoile incline son front,

Un chant d’encens s’élève entre ciel et colline.

Cannes s’endort, vêtue d’une brume opaline,

Et l’âme errante effleure un monde sans affront.



La Croisette s’étire, comme un rêve blond,

Sous les soupirs dorés que l’été cristalline.

Les pins murmurent l’ombre au pas de la divine

Notre-Dame du Suquet, gardienne et horizon.



La mer, dans le cristal, parfume la mémoire,

Lavande, myrte et thym y mêlent leur victoire,

Et l’amour flotte, libre, en fragile refrain…



Ô ville voyageuse au cœur de la Provence,

Ton nom sculpte au vent des songes sans fin,

Et tout poète en toi devient silence et danse.



* *

*



C’est alors que Virgile apparut dévoilant d'autres cieux , un sac de cuir brun à l’épaule, un carnet rouge serré contre lui. Il ne venait pas des hauteurs provençales, ni des studios dorés du Palais. Il ne venait pas non plus de sa Bretagne, cette fois-ci il venait d’un autre Sud. Le Sud de sa création littéraire. Un Sud meurtri.

Son nom était toujours Virgile, mais cette fois-ci c'était Virgile le Lusitanien. Il ne parlait pas fort, il chantonnait presque dans une langue à confondre avec le provençal, mais ses mots résonnaient plus que les discours : des mots qui avaient traversé l’ombre de Bestamontes et la fureur de Satan Lazar. Des mots que l’exil avait tatoués sur les mains et que le peuple lusophone et hispanophone avait confiés aux pages quand la liberté manquait d’air.

Il marcha lentement jusqu’au Suquet, passa sous l’œil tendre de Notre-Dame de l’Espérance, et là — sur le muret de pierre — il trouva le carnet vierge. Celui que Cannes, la veille, avait tendu à Mistral et à ses compagnons. Personne ne l’avait encore osé. Mais lui… il écrivit.

« Moi, Virgile, fils lointain d’un Sud blessé mais vivant, je dépose ici les douleurs que vos clochers n’ont pas entendues. J’écris pour les femmes sans voix, pour les peuples sans terre, pour les pays sans liberté, pour les enfants qui n’ont jamais joué, pour ceux qui n'ont pas de place dans leur pays et sont obligés d'aller chercher ailleurs ce que leur patrie n'a pas voulu leur donner. Des enfants mal aimés. Car si Cannes est lumière, alors qu’elle éclaire aussi les ténèbres de mon histoire. »

Et Cannes écouta. Cannes pleura, peut-être. Et un parfum de café noir, d’immigration, d’usines closes, de prières corsetées, monta des pages que Virgile noircissait avec la force du silence rompu.

Puis une voix ancienne — celle de Pagnol, peut-être, ou de Mistral revenu dans le vent — souffla :

« Toi, l’Autre ! L'Autre aux mots de feu… tu fais de nos collines un chant plus vaste. Ta mer est la nôtre, ton combat aussi. » Mais...
* *
*



Longtemps symbole d’éclat, de tapis rouges et de robes griffées, Cannes s’est métamorphosée. Serait-ce la rencontre avec Virgile ? Serait-ce la lecture de sa poésie ou de ses romans la cause de cet étonnant changement. La lecture de « Wald, l'Amadis de Gaule » avait marqué son esprit et son cœur ! La vaillance de Wald, libérant Roustina du carcan de la tradition et des sbires de Satan Lazar semblait avoir fait vibrer la fibre maternelle de Cannes. Ou peut-être alors, cet apparent changement était programmé dans le chemin de son destin !

Bien au-delà du faste, c’est une lumière nouvelle qui rayonnait sur la Croisette — celle de convictions partagées et de voix qui s’élèvent. Le Festival n'était plus uniquement le théâtre d’un glamour cinématographique ; il était devenu la scène où s’exprimaient les combats sociétaux, les urgences climatiques, les droits bafoués. À travers les documentaires poignants, les discours engagés et les gestes symboliques, le festival devenait chaque année davantage le reflet de notre monde en transformation.

Des cinéastes venus des quatre coins du globe portaient à l’écran des réalités souvent ignorées, des luttes qui, jusqu’ici, n’avaient pas trouvé leur tribune. Les marches devenaient parfois silencieuses, parfois criantes de vérités, mais toujours empreintes de sens. On assistait à des moments de grâce où l’art se faisait écho des indignations — quand un film dénonçait la violence faite aux femmes, ou quand un réalisateur exilé partageait, à travers sa fiction, le poids de l’absence de liberté.

Même les stars, habituellement synonymes de paillettes, empruntaient un langage nouveau. Une robe pouvait faire passer un message politique, une interview pouvait bouleverser l’opinion. Le Festival, temple du cinéma, se révélait aussi espace de réflexion, d’émotion collective, de mobilisation subtile.

Cannes, autrefois rêve inaccessible, se faisait miroir de la conscience du monde. Ce n’était plus seulement le luxe qui scintillait, mais l’engagement qui illuminait. Et dans cette lumière nouvelle, chacun pouvait trouver une part de vérité, un appel à penser, à agir, à ne plus simplement admirer mais ressentir — profondément.

Cannes ne brillait plus seulement de luxe. Elle resplendissait maintenant d’engagement. Et Virgile ne pouvant plus emprisonner son émotion décida de la libérer :



« Ô Cannes, perle de lumière »

Sous un ciel d’azur que le soleil caresse,

Cannes s’éveille en robe de tendresse.

Sa baie s’étire en mirage d’opale,

Où dansent les voiles sur l’eau cristale.



La Croisette s’avance, diva aux longs gants,

Fleurie de palmiers, d’or et d’élégants.

Les pas feutrés des rêves sur le tapis vermeil

Effleurent le palais où scintille le ciel.



Là, le Festival lève son rideau de perles,

Et les étoiles, chaque nuit, s’y égrènent en gerbes.

Les paillettes du monde tombent comme une pluie

Sur le bitume chaud de ce bal ébloui.



Mais au détour d’une ruelle qui monte et murmure,

Le Souquet s’élève, de senteurs pures.

Le passé chante aux pierres blondes et fières,

Sous l’œil bienveillant de Notre-Dame, lumière.



Elle bénit d’en haut la ville et sa mer,

De l’Estérel rougi jusqu’au cap solitaire.

Les cigales tissent leurs strophes d’été,

Et les âmes s’égarent à tant de beauté.



* *

*

Mais ce fut un matin sans chant d’oiseau que le carnet rouge disparut du muret du Suquet. On le croyait emporté par le vent… mais c’est la mer qui l’avait pris, doucement, comme on cueille une larme avant qu’elle ne tombe. Il voyagea. De main en main, de regard en regard, de cœur en cœur. Et chaque page portait désormais son empreinte, Virgile le lusitanien, écrivain de l’exil et des vérités sans fard.

Dans un café d’Almada, une jeune femme — professeure aux mains abîmées par la craie et la fatigue — lut en tremblant les premiers mots de « Il était une fois en Angola ».



« On l’avait appelé Wald. Mais le village, lui, l’avait appelé Mal… »



Elle tourna les pages, les larmes suspendues, et murmura :



« C’est l’histoire de mon père. C’est mon histoire aussi. »



Puis ce fut à Lisbonne, dans un vieux théâtre vide, qu’un comédien au chômage trouva le carnet sur une banquette. Il lut l’exil, le bannissement de Roustina, l’enfant né hors des lois étroites, la haine déguisée en vertu, Satan Lazar moissonnant les cœurs sous l’apparence du chapelet.

Et il s’écria :

« Enfin un roman qui parle de cette hypocrisie d’église… Ce n’est pas une fiction, c’est notre oubli ! »



Wald, le personnage principal, ce petit garçon devenu orphelin dans une terre inconnue, représentait plus qu’un destin. Il était la mémoire d’un peuple entier, l’incarnation du déracinement, le cri de l’enfant que personne ne veut entendre.

Et de passage en Afrique, en Angola même, une institutrice angolaise découvrit un des romans de Virgile posé sur un banc. Elle lut les pages comme on lit un testament d’ombre et de lumière. Et elle sourit, amère :

« Ses parents Claudio et Virginia alors qu'ils manifestaient pour leur indépendance... Tués par ceux qu'ils défendaient… et plus, après avoir été rejetés par Satan Lazar du Portugal ! Voilà le double exil de Wald. Voilà l’histoire vraie. L'histoire indigne de Wald »



Partout, le carnet rouge enflammait les silences. Et chacun se demandait : Wald reviendra-t-il ? Retournera-t-il au Portugal, là où seule une voix d’amour l’attend — celle de David, son grand-père ?Peut-être la réponse est-elle dans le chapitre suivant… Ou dans un autre roman que seul, Virgile, peut écrire. Car ce n’est pas seulement une histoire… C’est une vérité qui demande justice.

* *

*

Après une longue marche, sous un ciel teinté de pastels et des effluves de lavande qui flottaient dans l’air comme des souvenirs oubliés, Cannes semblait s’abandonner à quelque chose de plus vaste que le réel. Les rues perdaient leur contour familier, les passants devenaient des ombres rêveuses. C’était comme si la ville glissait doucement dans l’univers des romans de Virgile.

Peut-être à cause de cette aventure à travers champs de lavande ou le souffle des pins, ces pins ronds comme des parasols, qui surprennent le visiteur nordique au premier regard, Virgile ou peut-être Wald , Cannes n'en était pas tellement certaine, car les ressemblances de vie parfois, entre écrivain et ses personnages, sont tellement proches. Ce dont la jeune fille cannoise se rappelle c'était que ce Wald , le personnage romanesque avait quinze ou seize ans, mais dans ses yeux… il portait l’âge des nations meurtries.

Et si Wald posait le pied sur la terre rougeâtre de Provence, entre figuiers et murs de pierre, il sentirait — pour la première fois — que l’air ne le jugerait pas. Ici, personne ne murmurait à son passage. Ici, le passé s’écrivait à l’ombre des oliviers, et non à la lueur des bûchers.

Rachel, sa grand-mère venue du silence des couvents et des méandres de la foi perdue, lui ouvrait les livres comme on ouvre des fenêtres sur le monde. David, son grand-père au regard dur mais tendre, lui montrait que les racines ne sont pas toujours des chaînes — parfois ce sont des cordes qui nous tirent hors de l’abîme.

Et la Provence l’adopterait.

* *

*

Cannes n’était pas une ville. C’était une phrase que l’on finit toujours par lire à voix haute. Dans son cœur Wald y arriva un matin d’avril, au moment où la mer dessine le ciel dans ses reflets. Il se tenait là, sur la Croisette, un carnet dans la main, les sandales encore imprégnées de poussière littéraire, et les souvenirs d’Angola et de Portugal frémissant comme un feu mal éteint.

Dans les palmiers, il crut entendre le rire de Mistral. Sur un banc, un vieux lisait Pagnol à voix basse. Et dans une vitrine, entre les parfums d’agrumes et les ombres du passé, trônait une édition dorée des Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet.

Cannes lui murmura :

« Si tu as souffert, écris. Ici, même les paillettes ont leurs blessures. »

* *

*

En Provence le sud est à fleur de peau. A Cannes le marché de Forville s’épanouissait en couleurs : Tomates rugueuses, olives noires comme des nuits d’exil, citrons fendus comme des vérités trop longtemps retenues. Des haricots cornilles, des cocos noirs, des plats, des haricots à rames ! «  Que saudade meu amor !  » 



Rachel l’emmenait chaque vendredi, parlant portugais à l’épicière corse, répondant en espagnol au marchand de fleurs niçois. Et Wald notait :

Cannes est une langue plurielle, un alphabet de parfums.



Les odeurs de savon, de lavande, de pain grillé au fenouil le ramenaient à Roustina — village interdit, village maudit — mais ici, elles ne faisaient pas mal. Elles disaient :

tu es vivant....



         

                              Virgile ROBALLO



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Présentation du roman : Cannes, la Promesse de l'Azur

Dans Cannes, la Promesse de l'Azur, Virgile Roballo nous plonge dans une fresque méditerranéenne où la lumière, les parfums et les contrastes de la Côte d’Azur deviennent les témoins d’une quête intérieure. L’auteur, ancien professeur, certifié de portugais et aussi espagnol, mêle avec finesse les cultures latines et européennes pour tisser un récit à la fois sensuel et introspectif.

Résumé narratif :

  • Le roman s’ouvre sur la ville de Cannes, écrin de beauté et de mystère, où le protagoniste, un homme mûr en quête de renouveau, revient sur les lieux de son jeunesse.

  • À travers ses errances dans les ruelles, les plages et les souvenirs, il revisite les promesses non tenues, les amours évanouies et les rêves d’azur.

  • L’histoire alterne entre passé et présent, entre les éclats du Festival et les silences des collines, révélant une tension poétique entre illusion et vérité.

Style et tonalité :

  • Virgile Roballo écrit dans une langue riche, imagée, parfois lyrique, qui évoque les sensations avec une précision presque picturale.

  • Le texte est empreint de nostalgie, mais aussi d’une forme de sagesse acquise par le temps et les désillusions.

Thèmes abordés :

  • La mémoire et le passage du temps

  • L’identité et le déracinement

  • Le désir et la solitude

  • La beauté comme refuge et comme piège

Pourquoi lire ce roman ?

  • Pour découvrir une œuvre qui célèbre la Méditerranée tout en interrogeant les promesses de la vie.

  • Pour savourer une écriture qui allie poésie, introspection et sensualité.

  • Pour rencontrer un auteur qui fait dialoguer les langues et les cultures à travers une fiction profondément humaine.

  • Autres romans et livres de Virgile ROBALLO

  • ( Des fresques sociales de la société ibérique sous Franco et Salazar)

  • 1 - IL était une fois en Angola.

  • 2 – Il était une fois un Loup bien Spécial .

  • 3 – En Terres d'Espagne, Galice et Portugal.

  • 4 – Wald, l'Amadis de Gaule.

  • 5 – Cannes, La Promesse de l'Azur.

  • 6 – Petit Coeur au Grand Désordre

  • POESIE

  • 7 – Poésie en Français

  • 8 – Poésie en portugais et espagnol

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